Un double diplôme en statistique publique à la Sapienza Università di Roma
Un an à Rome : Mathilde Vince a passé sa troisième année de cursus data scientist public à la Sapienza – Università di Roma, dans le cadre d’un double diplôme. Désormais en poste à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du Ministère de la Santé, elle est revenue sur son expérience italienne lors d’un entretien.
La convention signée entre l’ENSAI et la Sapienza permet aux élèves fonctionnaires comme aux élèves ingénieurs d’obtenir un diplôme des deux institutions. À l’issue de sa formation, Mathilde Vince a été diplômée du Master Science des Données pour la Décision Publique (ENSAI) et du Master in Statistical Methods and Applications, EMOS – Official Statistics track (Sapienza – Università di Roma).
Mathilde, tu viens d’être diplômée, félicitations ! Peux-tu revenir sur ton parcours antérieur et sur les raisons qui t’ont amenée à devenir élève-fonctionnaire ?
Mathilde Vince : J’ai intégré l’ENSAI en 2021, après une CPGE B/L car je cherchais une école qui me permette de continuer d’étudier les mathématiques, la sociologie et l’économie, matières que j’appréciais. J’ai choisi le parcours data scientist public essentiellement pour les perspectives professionnelles qu’il offre : je m’imaginais tout à fait travailler dans la statistique publique, étant donné les nombreuses thématiques d’études possibles (démographie, environnement, etc.). Je ne regrette absolument pas ce choix, occupant actuellement un premier poste qui me satisfait, au sein de la DREES, le service statistique ministériel de la Santé.
En troisième et dernière année, tu as rejoint la Sapienza Università di Roma dans le cadre d’un double diplôme. Pourquoi ce choix de l’international ?
Au contraire de certains qui ont rapidement eu la volonté de partir à l’étranger pendant leurs années d’étude à l’ENSAI, je dois reconnaître que je me suis décidée assez tardivement à postuler au double diplôme proposé par l’ENSAI et la Sapienza. Finalement, j’ai vu cette possibilité d’études à l’étranger comme une occasion unique pour découvrir un système universitaire différent de celui que l’on peut connaître en France, pour s’immerger dans une autre culture, et ce pendant plusieurs mois d’affilée, pour progresser en langue, etc. tout en « sortant un peu de ma zone de confort ».
La ville de Rome me semblait aussi très intéressante à explorer pendant une période relativement longue, tout particulièrement d’un point de vue culturel, historique… et gastronomique !
Quel a été le programme de cette année en Italie ?
J’ai intégré le Master “Statistical Methods and Applications”.
Lors du premier semestre, j’ai suivi trois cours, tous enseignés en anglais :
- Advances in data analysis and statistical modelling [méthodes de clustering, algorithmes des k-means…] ;
- Computational statistics [génération de variables aléatoires, chaines de Monte Carlo, algorithme EM, …] ;
- Spatial statistics and statistical tools for environmental data.
Le second semestre a été dédié au stage de fin d’études. Je l’ai réalisé au sein d’Istat, l’équivalent italien de l’Insee. J’ai travaillé sur l’impact de la crise du coronavirus sur l’évolution des prix en Europe.
Si tant est qu’on puisse parler de journée type, à quoi ressemblerait-elle en tant qu’étudiante en Master SMA à l’Università di Roma ?
Une journée-type est assez difficile à définir, car cela dépend notamment de là où chacun habite dans Rome par rapport au campus, ce qui oblige à partir plus ou moins tôt de chez soi pour faire face aux aléas des transports en commun romains ! Cela dit, les enseignants en sont conscients et sont tolérants…
Nous avions strictement le même emploi du temps toutes les semaines, avec au minimum deux heures de cours et au maximum six heures de cours par jour, du lundi au vendredi. Le mercredi était notre plus longue journée à l’université car nous suivions les trois cours, chacun durant deux heures : le matin, cours de 8h à 12h puis pause au restaurant universitaire, situé à 5 minutes à pied du campus principal et enfin, l’après-midi, cours de de 14h à 16h.
Les méthodes de travail étaient-elles différentes de celles de l’ENSAI et si oui, en quoi ?
Contrairement à l’ENSAI, nous n’avons jamais eu de cours magistral en amphi avec plus de 100 étudiants à la Sapienza. Tout se passait dans des salles de classes ressemblant aux salles de TD en France. Nous devions être à chaque fois entre 20 et 30 étudiants et étudiantes.
Peut-être plus que les méthodes de travail, ce sont les méthodes d’évaluation qui diffèrent par rapport à ce qu’on peut connaître à l’ENSAI : les notes comptent énormément pour l’intégration professionnelle en Italie donc on peut passer chaque épreuve quatre fois, même si on l’a validée lors d’une précédente session pour espérer obtenir une meilleure note. Il faut obtenir au minimum 18/30 pour valider une matière. Étant donné que nous étions des classes avec de petits effectifs, nous avons aussi eu plus d’oraux, seul et en groupe, dans nos évaluations.
Le Master Science des Données pour la Décision Publique de l’ENSAI et le Master Statistical Methods and Applications de la Sapienza – Università di Roma sont tous deux labellisés EMOS (European Master in Official Statistics). Cette année à Rome t’a-t-elle permis de percevoir clairement la collaboration entre les établissements et plus largement peut-être entre les systèmes statistiques publics européens ?
J’ai perçu la « collaboration statistique européenne », si on peut l’appeler comme cela, principalement durant mon stage au second semestre. En effet, en tant qu’étudiants EMOS / fonctionnaires stagiaires à l’Insee, il a été plus facile de postuler à des stages proposés par Istat car ceux-ci étaient plus adaptés à notre profil. Ensuite, durant mon stage, j’ai travaillé sur l’IPCH (indice des prix à la consommation harmonisé) qui est calculé dans tous les pays européens grâce à une méthodologie commune, contrôlée par Eurostat.
Que retiens-tu de positif de cette expérience à l’étranger, du point de vue académique et personnel ?
Je retiens énormément de choses positives à la suite de cette expérience universitaire en Italie, voire que du positif ! En effet, comme je le disais précédemment, on sort quand même de sa zone de confort en partant plusieurs mois à l’étranger, même si on reste proche de la France, et je trouve que cela fait « grandir ». On s’ouvre culturellement.
D’un point de vue académique et soft skills, j’aurais tendance à dire qu’on poursuit nos apprentissages en statistique, en découvrant des approches nouvelles ou complémentaires de ce qu’on a appris à l’ENSAI. À titre d’exemple, j’avais suivi le cours de statistiques spatiales au second semestre de deuxième année à l’ENSAI et le cours « Spatial statistics and statistical tools for environmental data » de la Sapienza m’a permis de découvrir de nouvelles notions liées à ce domaine spécifique en statistique, notamment la notion de prédiction de données météorologiques. En outre, on améliore son anglais puisque les cours et les examens sont dans cette langue, mais aussi parce qu’on rencontre, lors de moments informels, d’autres étudiants internationaux qui viennent de nombreux pays et avec qui on échange en anglais.
Des conseils aux Ensaiens pour se préparer à vivre la vie romaine, au quotidien et à la Sapienza ?
Si je n’avais que deux ou trois petits conseils à donner à des Ensaiens et Ensaiennes, je dirais en priorité : essayez de chercher le plus tôt possible votre logement pour être assez bien situé dans la ville, et profitez dès le début de l’expérience de double diplôme car cela passe très très vite ! Et bien sûr, régalez-vous de la gastronomie italienne, notamment les vraies pâtes à la carbonara et les glaces !
Tu es désormais en poste, quelles sont tes missions ?
Depuis septembre, j’occupe un poste de chargée d’enquêtes et d’études à la DREES. En binôme, nous sommes responsables de la collecte de deux enquêtes statistiques relatives aux caractéristiques des écoles et étudiants dans les formations paramédicales et de sage-femmes. À partir de ces données collectées et d’autres sources statistiques, je peux réaliser des études et répondre à des demandes ponctuelles sur la thématique de la formation des professionnels de la santé et de la démographie de ces étudiants.
Merci, Mathilde !