Chloé Maisonnave, lauréate de premier rang du concours des meilleurs mémoires de Master EMOS
“Interactions within a multi-layer EU inter-bank network”, le mémoire de stage de fin d’études de Chloé Maisonnave, a été primé parmi 24 soumissions en provenance de 12 formations du réseau EMOS, label délivré par Eurostat. La lauréate, diplômée du Master Science des Données pour la Décision Publique de l’ENSAI, est invitée à présenter ses travaux en plénière, devant un auditoire composé de chercheurs et statisticiens, lors de la prochaine conférence NTTS, à Bruxelles.
Ce concours, destiné aux diplômés du réseau EMOS (European Master of Official Statistics) met en lumière la statistique publique comme sujet de recherche et valorise les contributions innovantes de jeunes talents. Depuis sa création en 2019, ce rendez-vous bisannuel a toujours compté des lauréats diplômés de l’ENSAI. Aux dires du jury de la dernière édition, la qualité d’ensemble des dossiers a été unanimement saluée.
Chloé, un grand nombre d’étudiants de Masters EMOS fait le choix de réaliser un stage dans un Institut National Statistique européen. En ce sens, ton choix d’intégrer la Banque Centrale Européenne pour un stage de fin d’études se distingue : qu’est-ce qui l’a motivé ?
Chloé Maisonnave : Je voulais absolument réaliser mon stage de fin d’étude hors de France pour aller vivre quelques mois à l’international ; c’est une expérience que je n’avais encore jamais vécue. Durant ma scolarité, je n’ai jamais ressenti l’envie ou la nécessité d’aller vivre dans un pays étranger. C’est en voyant toutes les possibilités offertes par l’ENSAI que je me suis dit : « et finalement, pourquoi pas ? ». Par ailleurs, j’avais déjà eu la chance de travailler dans des organismes de statistique publique nationaux et régionaux au cours de mes stages de première et deuxième année à l’ENSAI. Il ne me manquait plus que la case statistique européenne à cocher ! Je me suis donc rapprochée d’Eurostat et de la BCE par le biais de l’annuaire de l’école. Rapidement, j’ai eu une très bonne accroche avec mes contacts de la BCE qui m’ont proposé un sujet intéressant et innovant, qui pouvait me permettre d’acquérir de nouvelles compétences mais également d’appliquer les enseignements de l’ENSAI et de mon Master 2.
Intéressons-nous de près à ce stage : sur quoi as-tu travaillé, combien de temps, aux côtés de quelle équipe ?
C.M. : Mon stage a duré en tout cinq mois : un mois en télétravail en raison du contexte sanitaire, et quatre mois sur site, au Japan Center à Francfort-sur-le-Main en Allemagne. J’ai été chaleureusement accueillie au sein du ECB Data Office, une section d’une quinzaine de personnes rattachée à la Direction Générale de Statistiques (DGS) de la BCE.
Le sujet de mon stage “Interactions within a multi-layer EU inter-bank network » s’inscrivait dans la continuité d’un projet ayant débuté en 2020 ; ce projet vise à intégrer de nouvelles bases de données granulaires en finance construites à partir d’un cadre commun européen, dans l’objectif de faciliter les analyses statistiques. Ma mission consistait donc à prolonger ce projet, en lui ajoutant notamment une dimension temporelle et en développant des modèles statistiques pouvant expliquer les interconnexions entre les groupes bancaires au cours du temps dans un réseau composé de plusieurs couches.
Mon travail s’est structuré autour de trois phases : documentation, intégration de bases de données et modélisation statistique. Mon stage m’a permis d’entrevoir les étapes et la logique d’un travail de recherche ; en particulier, la théorie des réseaux étant totalement nouvelle pour moi, j’ai dû fournir un travail de bibliographie important. J’ai ainsi pu acquérir de nouvelles connaissances théoriques sur ce sujet, mais également consolider certaines bases en matière de codage, notamment en PySpark et Python. De plus, un point de détail ayant son importance : j’ai réalisé mon stage intégralement en anglais, que ce soit dans les échanges avec mon maître de stage et mes collègues, l’écriture de mon mémoire ou ma soutenance : j’ai ainsi remarqué de réels progrès, essentiellement dans mon aisance à l’oral.
Enfin, l’environnement très européanisé de la BCE et de Francfort offre une réelle ouverture culturelle ; mon stage à la BCE n’aurait pas été le même s’il n’avait pas été enrichi par de nombreuses rencontres, voyages et découvertes. Un bilan extrêmement positif donc, qui me donne envie de réitérer l’expérience dans un autre organisme de statistique en Europe voire à l’international.
Le mémoire que tu as rédigé sur ce stage a reçu le premier prix du concours. Le sujet est complexe, mais pourrais-tu le résumer en quelques phrases ?
C. M. : Mon mémoire vise à évaluer l’impact de la position des groupes bancaires européens les uns par rapport aux autres dans un réseau sur le risque systémique et la stabilité financière. Un grand nombre d’indicateurs permettent de décrire la topologie d’un réseau. J’ai donc utilisé ces indicateurs pour étudier l’évolution de la topologie de réseaux de banques européennes dans le temps, notamment pendant la crise de Covid-19, et ce sur plusieurs marchés interbancaires comme, par exemple, le marché des prêts de long-terme. En particulier, je me suis intéressée à la notion de centralité : une banque est considérée comme centrale si elle réalise un grand nombre d’opérations financières avec d’autres banques. Ainsi, on se demande si le fait qu’une banque soit centrale dans le réseau accentue l’impact qu’aurait cette banque en cas de défaut.
Quelles sont les raisons pour lesquelles tu as accepté que ton mémoire soit soumis par le comité de sélection de l’ENSAI ?
C. M. : Concourir pour le meilleur mémoire EMOS, c’est l’opportunité de confronter son travail à celui d’autres élèves ayant un parcours similaire, et de voir comment ce travail peut être perçu par un comité de statisticiens et chercheurs.
Au-delà de la reconnaissance académique, l’enjeu était aussi de pouvoir participer à la conférence des NTTS ; cette dernière va me permettre de percevoir un nouvel angle de la statistique européenne, celui de la recherche.
C’est à la fois l’occasion de découvrir des sujets et méthodes innovants en statistiques, mais également de faire connaître le sujet sur lequel j’ai travaillé.
Revenons un peu en arrière : pourquoi avoir choisi l’ENSAI et plus particulièrement le cursus statisticien public ?
C. M. : Après mon bac scientifique, je me suis dirigée vers une classe préparatoire B/L, lettres et sciences sociales. J’y ai découvert l’économie et la sociologie, dont certains thèmes m’ont beaucoup plu : parmi eux, les inégalités, la redistribution, la culture et …les politiques publiques. J’ai donc intégré l’ENSAI en cursus statisticien public avec l’idée de produire des indicateurs, mobiliser des méthodes statistiques pour éclairer la décision publique. En parallèle de ma deuxième année à l’ENSAI, j’ai suivi la L3 d’économie parcours Grandes Écoles de Dauphine. Pendant ma troisième année, j’ai beaucoup voyagé entre Ker Lann et la place Hoche de Rennes pour suivre les cours du Master 2 Évaluation et décision publique, majeure Études statistiques.
Quel est ton poste actuel ? Tes missions principales ?
C. M. : J’ai commencé en septembre 2022 un poste à la Dares, le service statistique ministériel du travail, en tant que chargée d’études territoriales sur les politiques d’emploi. Mon poste consiste à évaluer des politiques publiques territoriales portant sur des dispositifs d’insertion professionnelle. Plus précisément, je travaille sur l’évaluation du dispositif Emplois francs via une enquête. J’ai assuré avec mes collègues le suivi du pilote de l’enquête ainsi que la coordination avec notre prestataire chargé de la collecte auprès des établissements, et réalisé les adaptations nécessaires pour améliorer l’enquête avant le terrain principal. J’ai également rédigé un dossier soumis au Comité du label pour l’obtention du label d’intérêt général et de qualité statistique avec demande du caractère obligatoire.
Ma deuxième mission est l’évaluation de l’expérimentation Territoires Zéro Chômeurs de Longue durée. Nous préparons actuellement la gouvernance de cette évaluation en collaboration avec France Stratégie. En quelques mots, il s’agit de se coordonner avec les personnes et administrations qualifiées pour former un comité chargé d’évaluer l’expérimentation ; il est ainsi nécessaire de définir clairement les rôles et les sujets de chacun.
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