Brandon Saintilan, data scientist au Service statistique ministériel de la sécurité intérieure 

En charge de la publication mensuelle d’indicateurs conjoncturels sur l’insécurité et la délinquance, Brandon Saintilan est méthodologue au sein du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). À l’invitation de l’association Forum, le diplômé du Master Science des Données Publiques de l’ENSAI a présenté son parcours et ses missions dans le cadre d’une Insee Session.

Brandon Saintilan a intégré le cursus data scientist public de l’ENSAI en 2018, sur concours, après une classe préparatoire MP au lycée François Rabelais de Saint-Brieuc. Attaché statisticien, il a fait le choix de débuter sa carrière dans un service statistique ministériel.

Celui du ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer, créé en 2014, emploie près de 60 personnes. La principale mission du SSMSI est d’élaborer des statistiques publiques sur les thématiques de la sécurité intérieure et de la délinquance, et de les diffuser à des fins d’information générale pour éclairer le débat public.

Interstats Conjoncture : analyser pour agir

Depuis septembre 2021, Brandon Saintilan est en charge de la publication de l’Interstats Conjoncture. Chaque mois, elle recense les données de 14 indicateurs conjoncturels portant sur les crimes et les délits enregistrés par la police et la gendarmerie nationales, sur l’ensemble du territoire français. Interstats Conjoncture est consultable en ligne et est destinée aussi bien au cabinet du ministre, aux préfets et aux directions de la police et de la gendarmerie nationales qu’au grand public et aux médias.

Les données des homicides, cambriolages, violences sexuelles, ou encore des mis en cause pour trafic de stupéfiants sont recensées et analysées dans la publication.

“J’utilise des séries temporelles et plus précisément un modèle de correction des variations saisonnières et des effets des jours ouvrables (CVS-CJO), qui permet de neutraliser les évolutions cycliques de l’année pour mieux faire ressortir à la fois les tendances de fond et les évolutions atypiques. Un exemple : les cambriolages de logements augmentant durant les congés estivaux, ce modèle permet de comparer efficacement un mois d’août à un mois de mai comportant 4 jours fériés”, explique Brandon Saintilan.

Le data scientist s’est aussi attardé sur la façon d’expliquer les récentes évolutions du nombre de victimes de violences sexuelles enregistrées, un des indicateurs les plus commentés ces dernières années. Dans le bilan statistique publié chaque année par le SSMSI, Brandon Saintilan donne un éclairage via l’analyse du délai de dépôt de plainte.

Cette analyse du décalage temporel existant entre le moment où les faits se sont déroulés et le moment où ils sont comptabilisés permet d’apporter un élément explicatif aux récentes hausses observées, notamment en examinant l’évolution de la part de faits anciens parmi ceux enregistrés. En effet, alors qu’en 2016 la moitié des victimes de violences sexuelles avait déposé plainte pour des faits datant de plus de 3 mois, en 2022, la moitié des victimes a déposé plainte pour des faits datant de plus de 6 mois. Il y a donc une réelle évolution du comportement de dépôt de plainte des victimes, initié en 2017-2018 dans un contexte de libération de la parole“, précise Brandon Saintilan.

Il souligne toutefois que “cette analyse repose uniquement sur les données enregistrées par les services de sécurité, qui ne recensent donc pas la totalité des infractions commises, notamment parce que toutes les victimes ne se font pas connaître. Pour estimer ce taux de dépôt de plainte, mes collègues réalisent l’enquête de victimation Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS) auprès d’un échantillon de 200 000 personnes. D’après les dernières données de 2021, seuls 5% des violences sexuelles donnaient lieu à un dépôt de plainte.

Ponctuellement, le data scientist est amené à réaliser des travaux méthodologiques pour donner un éclairage sur la manière de comptabiliser les faits de délinquance, comme dans la publication “Interstats Méthode” qui accompagne l’Interstats Conjoncture.

Au quotidien, Brandon Saintilan utilise R. À cet égard, il est d’ailleurs chargé de la formation interne de certains de ses collègues à ce langage en passe de remplacer SAS dans le service statistique public. Une refonte de la chaine de production de la note de conjoncture mensuelle, anciennement codée en SAS, vient d’ailleurs de s’achever début 2024, grâce notamment à la collaboration du département de la méthodologie de l’Insee.

Être data scientist au service de l’action publique

Interrogé sur les points forts de son poste actuel, Brandon Saintilan a tout d’abord évoqué le fait d’être en contact régulier avec les personnels métier de la police et de la gendarmerie, dans un objectif d’amélioration continue de ses missions statistiques. Intégrer le ministère de l’Intérieur suppose une formation pratique à la prise de poste, puis de façon ponctuelle, des échanges avec les personnels métiers du service ou bien directement sur le terrain lors de stage d’immersion en commissariat ou en brigade de gendarmerie.

“Cela nous permet aussi d’appréhender les difficultés pratiques rencontrées par les policiers et les gendarmes lors de leurs saisies. La complexité de certaines parties de leurs logiciels de rédaction nous amène à manquer d’informations complémentaires sur certaines procédures, d’autant plus que ces personnels doivent aussi en parallèle être pleinement mobilisés sur le terrain.”

J’apprécie l’analyse de données atypiques que représentent les données administratives enregistrées par les services de sécurité, cela change des données économiques et démographiques habituelles”, résume Brandon Saintilan, qui souligne aussi la possibilité pour certains de ses collègues de recourir à des méthodologies diverses au sein du SSMSI, comme les réseaux de neurones.

Les données liées à la délinquance et à l’insécurité sont sensibles et souvent exploitées par les partis politiques…Exercent-ils une pression sur le service statistique ministériel ?” demande un Ensaien. “Absolument pas, répond Brandon Saintilan, le SSMSI, tout comme le SSP dans son ensemble, conserve son indépendance, sa neutralité et son objectivité. C’est indispensable pour fournir des chiffres fiables et pertinents. De plus, mes collègues et moi-même sommes soumis au secret statistique”.

Des projets pour le futur ? Lors de la prochaine campagne de mobilité, Brandon Saintilan aimerait trouver un poste en statistique publique en Bretagne, sa région de prédilection, après quatre années à Paris, place Beauvau et à Bercy.

Les Insee Sessions, une initiative de l’association Forum ENSAI

 

Depuis 2023, les Insee Sessions ont pour objectif de présenter aux élèves data scientists publics de l’ENSAI (grade d’attaché statisticien stagiaire de l’Insee) les opportunités qui s’offrent à eux au sein du système statistique public (SSP). “Notre but est d’inviter une grande variété d’intervenants, issus des services statistiques ministériels (SSM) et de l’Insee, de la Direction générale ou des directions régionales (Métropole et Outre-mer)”, précise Enzo Camboni, Ensaien en charge de ces évènements.
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